Le respect du délai de rétractation de la rupture conventionnelle (ruptures conventionnelles successives)

Lorsque la première convention a fait l’objet d’un refus d’homologation par l’autorité administrative, la seconde rupture conventionnelle doit respecter la procédure légale dans son entier et notamment un nouveau délai de rétractation (Cass. Soc. 13.06.2018 : n°16-24830).

La rupture conventionnelle : un mode amiable de rupture du contrat de travail

Pour mémoire, rappelons que la rupture conventionnelle est un mode alternatif de rupture du contrat de travail, à côté du licenciement et de la démission.

Elle est régie par les articles L 1237-11 et suivants du code du travail.

L’article 1237-11 du Code du travail dispose que : « L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties ».

La rupture conventionnelle fait l’objet d’un contrat, signé par deux parties, l’employeur et le salarié.

Si un employeur et un salarié sont d’accord pour rompre le contrat de travail, seule la voie de la rupture conventionnelle leur est ouverte, sauf dispositions légales contraires.

La rupture conventionnelle ne vaut que pour le contrat de travail à durée indéterminée.

Rupture conventionnelle et liberté de consentement des parties

La rupture conventionnelle ne peut pas être imposée par l’employeur ou le salarié (article L 1237-11 c. trav.).

Elle doit reposer sur le consentement libre et mutuel de chacune des parties, employeur et salarié (c. civ. articles 1128, 1130, 1131).

Pour autant, l’employeur est en droit de proposer au salarié, lors d’un entretien, de négocier une rupture conventionnelle. Cela ne constitue pas, en soi, une forme de pression susceptible de vicier le consentement du salarié (Cass. soc. 15.01.2014 : n°12-23942).

Si le consentement de l’un ou de l’autre est vicié, la rupture conventionnelle est nulle et a alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 16.09.2015 : n°14-13830).

La procédure de rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle se déroule en 3 étapes, selon les dispositions L 1237-11 et suivants du Code du travail.

  • La première étape consiste en une convocation à un entretien, au terme duquel l’employeur et le salarié se mettent d’accord sur le principe et le montant de la rupture du contrat de travail.

Lors de cet entretien, le salarié tout comme l’employeur peuvent se faire assister.

Si l’employeur n’informe pas le salarié de son droit à assistance pendant le ou les entretiens ou de son droit de prendre contact auprès de Pôle Emploi pour envisager la suite de son parcours professionnel, cela n’entraîne pas en soi la nullité de la convention de rupture.

Le salarié doit prouver que son consentement n’était pas libre et éclairé à cause de ce défaut d’information (Cass. soc. 29.01.2014 : n°12-27594 ; 12-25951).

Il en est de même si l’employeur n’a pas informé (ou a mal informé) le salarié de ses droits à chômage : la rupture conventionnelle ne sera a priori remise en cause que si cela a vicié le consentement du salarié (Cass. soc. 5 novembre 2014, n°13-16372).

Le salarié peut se faire assister par un autre salarié de l’entreprise (ex. : délégué syndical ou délégué du personnel) ou, en l’absence de représentant du personnel dans l’entreprise, par un conseiller choisi sur une liste dressée par l’administration. Il en informe alors l’employeur.

  • La seconde étape consiste en la signature de la rupture conventionnelle en deux exemplaires, par les deux parties.

La convention signée fixe la date de fin du contrat et le montant de l’indemnité due au salarié qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité de licenciement

Chaque partie doit conserver un exemplaire, et en tout état de cause, le salarié doit se voir remettre l’exemplaire de rupture conventionnelle lui revenant.

En effet, la convention de rupture – tout comme le formulaire – doit être établie à minima en double exemplaire. L’employeur doit en remettre un au salarié pour qu’il puisse exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause et pour qu’il puisse aussi user de son droit d’effectuer la demande d’homologation de la convention de rupture (article L 1237-14 C. trav.).

Il est bien entendu conseillé d’établir, en pratique, ce formulaire en triple exemplaires originaux, afin que chaque partie puisse en conserver un et que l’administration puisse en disposer d’un original.

Si l’employeur ne remet pas un double de la convention de rupture au salarié, ce dernier peut obtenir des juges l’annulation de la rupture conventionnelle. La rupture du contrat de travail a alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences financières que cela implique pour l’entreprise (Cass. soc. 06.02.2013 : n°11-27000).

Le formulaire de rupture conventionnelle doit être daté et signé précédé de la mention « lu et approuvé » par l’employeur et le salarié.

Des litiges peuvent survenir s’il manque une de ces mentions, c’est la raison pour laquelle il est important de vérifier qu’elles figurent toutes au bas du formulaire avant de l’adresser à la DIRECCTE.

En pratique, si le salarié signe uniquement, sans dater ni faire précéder sa signature de la mention « lu et approuvé », le libre consentement ne serait pas garanti et la convention de rupture serait donc nulle (CA Lyon, ch. soc. C, 23 septembre 2011, n° 10-09122).

En revanche, si seule la mention « lu et approuvé » manque, cela pourrait ne pas remettre en cause la validité de la convention de rupture sachant que cette mention inscrite au bas d’un écrit sous seing privé constitue une formalité dépourvue de portée (Cass. civ. 1re ch., 30 octobre 2008, n° 07-20001 ; CA Reims, ch. soc., 9 mai 2012, n° 10-01501).

À compter du lendemain de la signature de la convention, l’employeur et le salarié ont chacun un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter. Ce délai débute le lendemain du jour de la signature et s’achève le 15e jour à minuit.

Durant ce délai, le salarié tout comme l’employeur peuvent exercer leur droit de rétractation, et renoncer au bénéfice de la rupture conventionnelle.

Celui qui use de ce droit en informe l’autre par courrier.

Si aucune des parties n’a exercé son droit de rétractation, l’employeur, doit au lendemain du terme de ce délai de rétractation, adresser un exemplaire de la convention à la DIRECCTE, aux fins d’homologation.

  • L’homologation est la dernière étape : la DIRECCTE dispose d’un délai de 15 jours ouvrables pour se prononcer.

La date d’échéance de ce délai d’instruction est celle à laquelle l’employeur et le salarié reçoivent de manière effective le courrier de l’administration (Cass. Soc. 16.12.2015 : n°13-27212).

Une fois passé le délai d’instruction, l’absence de décision explicite du DIRECCTE vaut acceptation de la convention de rupture conventionnelle.

La procédure à suivre en cas de ruptures conventionnelles successives

Il peut arriver que la DIRECCTE refuse d’homologuer une rupture conventionnelle.

Dans ce cas, employeur et salarié peuvent décider de réitérer et de signer une nouvelle convention de rupture.

Mais dans ce cas, il est impératif de reprendre la procédure afférente, depuis le début et notamment, respecter le délai de rétractation, droit incontournable de la rupture conventionnelle qui a pour objet de veiller au respect du consentement des parties et au premier plan, du salarié.

Pour l’administration, le non-respect du délai de réflexion vicie substantiellement la procédure et justifie à lui seul le refus d’homologation (circ. DGT 2012-7 du 30 juillet 2012, fiche n° 14, § 1.3.1).

Si la rupture est quand même homologuée, l’employeur qui adresse une demande d’homologation avant la fin du délai de rétractation (même s’il l’a fait le dernier jour de ce délai) risque de toute façon de voir la rupture conventionnelle annulée par les juges (Cass. soc. 14.01.2016, n° 14-26220).

S’il se rend compte de son erreur, il ne peut pas la corriger en envoyant une seconde demande d’homologation antidatée (CA Lyon, ch. soc. C, 26.08.2011, n° 11-00551).

Pour autant, une erreur de l’employeur dans la date d’expiration du délai de rétractation n’entraîne pas nécessairement la nullité de la rupture conventionnelle. Le salarié doit prouver en quoi cette erreur a vicié son consentement (Cass. soc. 29.01.2014, n° 12-24539).

La Cour de Cassation dans l’arrêt du 13 juin 2018 a eu l’occasion de rappeler l’importance du respect du délai de rétractation en matière de rupture conventionnelle, même lorsqu’il s’agit de la seconde après refus d’homologation de la première (Cass. Soc. 13.06.2018 : n°16-24830).

En l’espèce, une salariée a signé une rupture conventionnelle avec son employeur.

Mais ce dernier avait sous-estimé le montant de l’indemnité spécifique de rupture, inférieure à l’indemnité conventionnelle de licenciement à laquelle la salariée était en droit de prétendre.

La DIRECCTE a, en toute logique, refusé d’homologuer cette rupture conventionnelle qui lésait la salariée.

Les parties avaient signé une nouvelle convention de rupture, persistant dans leur souhait de mettre un terme au contrat de travail de manière amiable.

Dans cette seconde version de rupture conventionnelle, le montant avait été corrigé, mais pas la date d’expiration du délai de rétractation, qui était resté identique à celui figurant dans la première rupture conventionnelle (et qui était de fait, expiré depuis longtemps).

Dans ces conditions, le droit de rétractation ne pouvait correctement être exercé par les parties, ce qui lésait nécessairement le salarié.

Les juges du fond, tout comme la Cour de cassation n’ont pas manqué de rappeler que dans le cas de cette nouvelle rupture conventionnelle, il fallait mentionner un nouveau délai de rétractation de 15 jours, le respecter, et ensuite envoyer la convention à l’administration aux fins d’homologation.

Le délai de rétractation doit donc être systématiquement respecté, quel que soit le nombre de conventions de rupture que les parties doivent signer.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêts du 13 juin 2018, RG n°16-24830

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 15 janvier 2014 : RG n°12-23942

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 septembre 2015 : RG n°14-13830

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêts du 29 janvier 2014 : RG n°12-27594 ; 12-25951

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 5 novembre 2014 : RG n°13-16372

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 6 février 2013 : RG n°11-27000

Cour d’Appel de Lyon, ch. soc. C, arrêt du 23 septembre 2011, RG n° 10-09122

Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 30 octobre 2008, RG n° 07-20001 

Cour d’Appel de Reims, ch. soc., arrêt du 9 mai 2012, RG n° 10-01501

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 décembre 2015 : RG n°13-27212

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 14 janvier 2016, RG n° 14-26220

Cour d’Appel de Lyon, ch. soc. C, arrêt du 26 août 2011, RG n° 11-00551

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 29 janvier 2014, RG n° 12-24539

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