Fumer ou vapoter dans l’entreprise : que prévoit la loi

Conformément à son obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs (article L 4121-1 du code du travail), l’employeur doit faire appliquer l’interdiction de fumer dans l’entreprise.

Interdiction de fumer dans l’entreprise

En application des dispositions du Code de la santé publique, articles L 3512-8 et R 3512-2, il est strictement interdit de fumer dans les lieux fermés et couverts qui constituent des lieux de travail.

Cette interdiction générale de fumer dans l’entreprise s’applique :

  • aux locaux communs affectés à l’ensemble du personnel (accueil, réception, locaux de restauration, espaces de repos, lieux de passage, etc.),
  • aux locaux de travail, aux salles de réunion ou de formation,
  • aux bureaux, même occupés par une seule personne.


Des interdictions de fumer spécifiques existent dans certaines entreprises pour des raisons de sécurité (en raison de la présence de substances ou préparations explosives (article R 4227-23 c. trav. et article R 3512-8 c. santé pub.).  Il est recommandé à l’employeur d’inscrire dans le règlement intérieur cette interdiction de fumer.

En effet, si un salarié ne respecte pas cette obligation, l’employeur pourra appliquer les sanctions prévues dans le règlement intérieur, sans contestation possible sur ce point-là.

S’agissant du vapotage en entreprise, la loi de « modernisation de notre système de santé » a ajouté l’interdiction de vapoter (article L 3513-6 et L 3513-19 c. santé pub.). Cette interdiction n’entrerait en vigueur qu’à la publication du décret d’application qui fixe les conditions d’applications, mais non encore paru. Il est toutefois conseillé à l’employeur de prévoir également dans le règlement intérieur l’interdiction de l’usage de la cigarette électronique, en application de son obligation de sécurité en matière de santé des travailleurs. Outre la mention de l’interdiction de fumer et de vapoter dans le règlement intérieur, l’employeur doit informer les salariés par une signalisation apparente dans les locaux de l’entreprise.

Les sanctions du défaut de respect de l’interdiction de fumer dans l’entreprise

L’employeur est tenu de faire respecter l’interdiction de fumer ou de vapoter dans l’entreprise, en application de l’obligation de sécurité pesant sur lui en matière de santé des salariés.

Aussi, il doit pouvoir sanctionner le salarié qui ne respecte pas cette interdiction générale. Les sanctions peuvent aller jusqu’à la faute grave, selon les risques encourus par les autres salariés (par exemple, Cass. Soc. 01.07.2008 : n°06-46421 : faute grave en raison du risque incendie liée à l’usage de la cigarette). L’employeur peut s’appuyer sur la clause du règlement intérieur prévoyant la sanction liée à l’interdiction de fumer ou vapoter, mais pas ce n’est pas une obligation. En effet, ce n’est pas parce que l’interdiction de fumer n’est pas inscrite dans le règlement intérieur qu’elle est inapplicable dans l’entreprise et de fait que l’employeur ne peut pas appliquer de sanction.

Les conséquences des manquements de l’employeur : en cas de tabagisme passif

En cas de manquement à ses obligations, l’employeur encourt des sanctions pénales (article R 3515-3 c. santé pub.).

De plus, l’exposition d’un salarié au tabagisme passif engage la responsabilité de l’employeur, même si le salarié accompagne ses collègues fumeurs lors de leurs pauses cigarettes et se déclare satisfait de ses conditions de travail (Cass. soc. 03.06.2015, n°14-11324). Cette dernière décision pourrait être amenée à évoluer, sous l’impulsion de la jurisprudence actuelle de la Cour de Cassation qui tend à faire de l’obligation de sécurité de l’employeur une obligation de moyens, même renforcée au lieu et place d’une obligation de sécurité de résultat (Cass. Soc. 25.11.2015 : 14-24444).

En effet, avec cette nouvelle jurisprudence, si l’employeur rapporte la preuve qu’il a pris toutes les mesures préventives, sa responsabilité peut être exonérée. Dans ces conditions, le salarié devrait peut-être rapporter la preuve de son préjudice. Mais à ce jour, en matière de tabagisme, aucun arrêt de la Cour de Cassation ne confirme cette évolution. Point à surveiller. Un salarié peut exercer son droit de retrait et quitter son poste de travail s’il est entouré de fumeurs. Pour le moment et en l’état actuel de la jurisprudence, il est admis que le salarié qui se dit victime de tabagisme passif puisse exercer son droit de retrait.

En effet aucune sanction ni retenue de salaire ne peut être prise à son encontre s’il s’est retiré d’une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé, comme le tabagisme passif par exemple (CA Rennes, 16.03.2004, n° 03-279). De la même manière, il a été également admis que le salarié puisse prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur, sans avoir à faire la preuve de répercussions néfastes sur sa santé (Cass. soc. 06.10.2010 : n°09-65103).  A terme, le vapotage passif pourrait à terme entraîner les mêmes conséquences en cas de contentieux.

Le cas des pauses cigarette pendant le temps de travail

Le cas des pause cigarette est une véritable problématique pour l’employeur qui doit supporter de voir ses salariés prendre en pratique toutes les heures une pause de 10 minutes, alors que ce n’est pas ce que prévoit la loi. Tous les employeurs sont confrontés à cette baisse de productivité, avec ce type de comportement que se permettent les salariés, en dehors de tout cadre ni autorisation, qui nuisent à la productivité (fumeurs et non fumeurs, qui en profitent pour prendre une pause en plus d’ailleurs). S’il est admis que le salarié doit bénéficier de temps de pause légaux dans la journée de travail, en application de l’article L 3121-16 du Code du travail, la loi prévoit un maximum de 20 minutes de pause pour 6 heures de travail, hors pause déjeuner.

Toutefois, fumer ou vapoter en dehors du temps de pause légal ou conventionnel n’est pas considéré comme du temps de travail effectif, sauf décision plus favorable de l’employeur. Celui-ci peut tolérer ces pauses régulières et inopinées, mais en demandant aux salariés de débadger lorsqu’ils s’absentent de leur poste de travail, pour pouvoir décompter ce temps de pause qu’ils se sont arbitrairement octroyés de leur temps de travail effectif.  A défaut d’accord ou d’usage contraire, l’employeur serait tout à fait à même de sanctionner un salarié qui multiplierait les sorties, si les absences répétées nuisent à la qualité de son travail ou à sa productivité, ce qui en pratique, est inévitable.

La mise en place d’emplacement fumeurs dans l’entreprise

L’interdiction de fumer ne s’applique pas dans les emplacements réservés mis à la disposition des fumeurs au sein de lieux spécifiques prévus par l’employeur. Cette création d’emplacements n’est pas une obligation. Il s’agit d’une simple faculté qui relève de la décision de l’employeur. Ce dernier peut mettre à disposition un espace propre aux vapoteurs. Mais aucun texte spécifique aux vapoteurs n’évoque précisément un quelconque emplacement pour ces derniers.

S’il décide de créer au sein des locaux de l’entreprise un emplacement fumeur, l’employeur doit veiller qu’il s’agisse bien d’une salle close, affectée à la consommation de tabac et dans laquelle aucune prestation de service n’est délivrée (article R 3512-4 c. santé pub.). Ce projet devra être soumis à l’avis des membres du CHSCT, ou des délégués du personnel, à défaut. Cette consultation devra être renouvelée tous les 2 ans.

L’employeur doit veiller au respect de certaines obligations spécifiques. Par exemple, ces emplacements réservés doivent ne pas constituer un lieu de passage. Aucune tâche d’entretien et de maintenance ne doit y être exécutée sans que l’air ait été renouvelé, en l’absence de tout occupant, pendant au moins 1 heure. L’employeur doit également être en mesure de produire une attestation de maintenance du dispositif de ventilation mécanique à l’occasion de tout contrôle, et de faire procéder à son entretien régulier. Il s’agit d’une véritable contrainte pour l’employeur, qui n’y est donc pas obligé.

Sources :

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 21 juillet 2008 : RG n°06-46421

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 25 novembre 2015 : RG n°14-24444

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